Certains plats de poisson traditionnels japonais ne surprennent plus. Sashimi, makis et sushis sont désormais des incontournables des menus des gourmets russes. Le seul risque ? En abuser. Mais certaines spécialités orientales sont préparées avec des poissons mortels. C’est notamment le cas du fugu, ou poisson-globe. C’est ce plat potentiellement mortel qui a rendu le poisson-globe célèbre dans le monde entier, mais ce n’est pas la seule raison de son intérêt.
Contenu
L'histoire du poisson fugu
On ignore la date exacte à laquelle ce plat hautement toxique est apparu au menu, mais il remonte à au moins 2 300 ans. Il s'agit de l'âge des plus anciens restes de poisson-globe découverts lors de fouilles archéologiques au Japon. Les premières traces historiques remontent aux XVIIe et XIXe siècles et font état d'une interdiction totale de la préparation du fugu sur l'ensemble du territoire contrôlé par le shogunat Tokugawa.
Les Japonais réagirent à l'interdiction à leur manière : au lieu de rejeter complètement le produit, ils devinrent simplement plus prudents. Cela mena à la mise au point de méthodes de découpe et de préparation du fugu minimisant les risques d'intoxication. Ces mêmes techniques sont encore utilisées aujourd'hui. Dans les régions occidentales du pays, où le shogunat exerçait le moins de contrôle, les chefs devinrent particulièrement experts dans la préparation du fugu.
Durant l'ère Meiji, l'interdiction fut renforcée, mais elle continua d'être transgressée. À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, seul l'empereur n'avait plus le droit de goûter à ce plat prohibé, tandis que les citoyens ordinaires le préparaient en secret et le consommaient régulièrement.
En 1958, le problème fut enfin résolu. Le compromis exigeait que les chefs possèdent une licence spécifique pour préparer le fugu. Actuellement, l'obtention de cette autorisation requiert plusieurs années de formation spécialisée et la réussite d'un examen. Cet examen comprend des épreuves théoriques et pratiques : le chef identifie, prépare et déguste le fugu. Seul un tiers des candidats réussit l'examen. Les autres candidats, bien entendu, ne se laissent pas abattre pendant l'examen. Le jury est extrêmement rigoureux et ne tolère pas la moindre erreur. Grâce à ces précautions, vous pouvez commander des plats de fugu dans les restaurants japonais en toute tranquillité.
Apparence

La longévité de ce poisson s'explique par le fait que les prédateurs s'y intéressent rarement, car il est dangereux pour eux.
Le poisson-globe brun est un poisson de la famille des poissons-globes. Ce poisson appartient à la famille des poissons à nageoires rayonnées, au genre Takifugu (qui signifie « cochon de rivière »). Son corps est massif, avec un avant-train nettement épaissi. Il mesure en moyenne 50 cm de long, certains spécimens atteignant 80 cm, voire plus. Son arrière-train est étroit et sa queue petite. Sa robe est brune, tachetée de noir bordé de blanc sur les flancs, derrière les nageoires.
Les dents sont soudées et ressemblent à de puissantes incisives, aussi bien en haut qu'en bas. Le corps est presque dépourvu d'os, pas même de côtes.
La principale caractéristique externe du fugu est l'absence d'écailles. Sa peau est recouverte d'épines acérées. Au repos, ces épines sont aplaties, mais en cas de danger, elles offrent une protection quasi totale contre les prédateurs. Menacé, le fugu remplit instantanément les cavités de son estomac d'air ou d'eau, le faisant gonfler comme un ballon. Il triple alors de volume. Les épines acérées se dressent dans toutes les directions, rendant impossible son avalement. Si toutefois le prédateur y parvenait, il mourrait très rapidement : le venin reste le principal mécanisme de défense du fugu.
Habitat
Le fugu est un poisson de fond que l'on trouve jusqu'à 100 m de profondeur dans les climats subtropicaux. Espèce boréale basse originaire d'Asie. Principaux habitats :
- Asie du Sud-Est ;
- Nord-Ouest Pacifique ;
- Extrême-Orient (eaux océaniques et fluviales) ;
- Mer d'Okhotsk.
On la trouve en grand nombre dans les mers Jaune, de Chine méridionale et du Japon (principalement dans sa partie occidentale). Elle fréquente également les eaux du lac Tchad et des fleuves Nil, Amazone, Congo et Niger.
En été, on peut même le trouver dans la partie russe de la mer du Japon.
L'idée reçue selon laquelle le fugu serait un mets exclusivement japonais est inexacte. On le consomme également dans d'autres pays, notamment en Chine, en Thaïlande et en Corée. Dans certaines régions, on élève du fugu non toxique, mais la plupart des véritables connaisseurs l'évitent. Souvent, le frisson du danger prime sur le goût lorsqu'on déguste du fugu.
Ce poisson est sédentaire ; les adultes fréquentent les baies, tandis que les juvéniles vivent dans les eaux saumâtres des estuaires. Plus le poisson est âgé, plus il s’éloigne du rivage. Avant les tempêtes, les poissons-globes se rapprochent des côtes.
Durée de vie et mode de vie
Les tentatives des scientifiques pour mieux comprendre le mode de vie du poisson-globe ont été, pour la plupart, infructueuses. Les chercheurs ont découvert que, du fait de sa structure corporelle aérodynamique, le poisson-globe est incapable de nager à grande vitesse. En revanche, il fait preuve d'une excellente maniabilité : il se déplace aussi bien en avant qu'en arrière, nage latéralement et peut effectuer des virages rapides.
Malgré ses petits yeux, le poisson-globe possède une excellente vision. Son odorat est également très développé grâce aux nombreux récepteurs situés sur ses tentacules, ses narines étant placées sous ses yeux.
La durée de vie moyenne d'un poisson-globe brun à l'état sauvage est de 10 à 12 ans.
Nutrition
Le fugu est un prédateur ; son régime alimentaire se compose des habitants les plus étranges et les plus peu appétissants du monde sous-marin. Leur régime alimentaire comprend des vers marins, des mollusques, des étoiles de mer et des oursins. Ils se nourrissent également de coraux. Certains scientifiques affirment que la toxicité exceptionnelle du poisson-globe est une conséquence de ce régime. Les chercheurs ne parviennent toujours pas à expliquer pourquoi le poisson-globe lui-même est immunisé contre le poison, malgré l'accumulation importante de toxines dans ses œufs, ses intestins, son foie et d'autres parties de son corps. Le filet et la peau sont exempts de poison.
Reproduction
Chez les poissons-globes, le mâle est le parent le plus responsable. Pendant la saison de reproduction, il courtise la femelle en tournant autour d'elle. Il effectue une danse particulière pour l'inviter à descendre au fond. Si la femelle est également intéressée, les deux nagent un moment le long du fond jusqu'à trouver un rocher approprié. La femelle y dépose ses œufs, et le mâle les féconde immédiatement.
Après avoir pondu ses œufs, la femelle s'éloigne à la nage, laissant le mâle protéger la couvée. Il se tient sur un rocher et recouvre les œufs de son corps pour empêcher les nombreux autres poissons de les manger.
Après l'éclosion des têtards, le mâle creuse un trou au fond de l'eau, y dépose les alevins et reste pour les protéger. Ce n'est que lorsque les petits commencent à se nourrir seuls que le mâle les quitte, ayant pleinement rempli ses devoirs parentaux.
Les dangers du fugu
Il est difficile de trouver un plat plus dangereux et plus cher dans toute la cuisine japonaise. Un seul poisson coûte environ 300 dollars, et un menu comprenant ce plat peut coûter 1 000 dollars, voire plus.
L'extrême toxicité est due à l'énorme quantité de tétrodotoxine présente dans les tissus du fugu. Une seule personne peut provoquer l'empoisonnement mortel de 30 personnes.
La tétrodoxine est 400 fois plus toxique que la strychnine, 160 000 fois plus toxique que la cocaïne et un ordre de grandeur plus toxique que le curare.
Les premiers symptômes d'intoxication apparaissent dans les 10 à 15 minutes. Les lèvres et la langue s'engourdissent, une salivation excessive se manifeste et la coordination est altérée. Plus de la moitié des personnes intoxiquées décèdent dans les 24 heures ; cette période est considérée comme critique. Des diarrhées, des vomissements et des douleurs intenses peuvent survenir. Le décès survient par arrêt respiratoire dû à la paralysie des muscles respiratoires.
La tétrodotoxine n'est pas une protéine ; elle agit en bloquant l'influx nerveux. Elle empêche le passage des ions sodium à travers les membranes cellulaires sans entraver celui des ions potassium. Cette interaction très spécifique avec les structures cellulaires explique pourquoi la tétrodotoxine est déjà disponible comme analgésique efficace dans les pharmacies japonaises.
Il n'existe aucun remède, mais la tragédie peut être évitée. Pour ce faire, il faut immédiatement rétablir la respiration et la circulation en plaçant la victime sous assistance respiratoire.
On peut mourir sans manger le poisson, mais simplement en touchant à mains nues ses entrailles imbibées de poison.
Compte tenu des risques, il est difficile de se plaindre du prix élevé du fugu. Vendre à bas prix un plat classé parmi les dix aliments les plus toxiques au monde par le magazine Time est inacceptable. Ce n'est pas la rareté relative du fugu, mais la complexité de sa préparation qui en justifie le prix.
Pour préparer le fugu, un chef cuisinier qualifié retire le foie, les œufs et toutes les entrailles. Une petite quantité de venin subsiste à la surface du filet, suffisante pour provoquer des symptômes d'intoxication sans être mortelle. L'engourdissement du palais, de la langue et des extrémités, accompagné d'une légère euphorie, témoigne du savoir-faire exceptionnel du chef. Cet état est comparable à une légère intoxication médicamenteuse.
entretien de l'aquarium
Les tétraodons d'aquarium regroupent toute une gamme de poissons-aiguilles marins et d'eau douce. Les aquariophiles les plus audacieux élèvent des poissons-globes venimeux, mais les poissons-globes non toxiques constituent également un bel ajout à tout aquarium. Bien que les poissons-globes élevés en captivité soient moins dangereux, tous peuvent néanmoins être toxiques.
Pour éviter tout risque d'empoisonnement, il ne faut pas nourrir les tétraodons d'aquarium à la main, et surtout pas les manipuler à mains nues !
Ces poissons sont magnifiques et originaux, mais leur élevage est extrêmement difficile, tout comme le tempérament du poisson-globe. Si vous décidez de les élever, il est essentiel de penser immédiatement à leur alimentation. Celle-ci doit comprendre des escargots à coquille dure pour user leurs dents qui poussent rapidement.
Comme pour la reproduction des autres habitants d'aquarium, les principaux facteurs de réussite seront :
- récipient de la taille appropriée ;
- régime alimentaire sain ;
- voisins compatibles.
Leur espérance de vie en aquarium est deux fois moindre que dans leur milieu naturel. Votre poisson-globe peut vivre de 5 à 10 ans. La longueur moyenne d'un poisson-globe adulte en aquarium est de 15 cm.
Aquarium
Les jeunes spécimens peuvent être maintenus dans des aquariums d'environ 50 litres ; à mesure que les poissons grandissent, ils doivent être transférés dans un aquarium de 150 litres ou plus. Si l'on maintient plus de cinq individus adultes simultanément, il convient d'augmenter le volume de l'aquarium. Pour un couple d'adultes et quelques alevins, un aquarium de 100 litres est suffisant. Un grand groupe de tétraodons se sentira à l'aise dans un aquarium de 300 litres.
L'eau doit être aérée et filtrée. L'eau douce est salée avec du sel de table : 1 cuillère à soupe pour 20 litres d'eau. Les juvéniles tolèrent bien l'eau douce, mais ils peuvent développer des maladies plus tard.
Le fond doit être suffisamment large pour permettre à un poisson benthique de cette taille de nager librement. Les tétraodons apprécient l'ombre ; on dispose donc des pierres de différentes tailles sur le sable pour la créer, et le reste de la surface est densément planté de plantes aquatiques.
Soins et alimentation
La plage de température d'eau confortable se situe entre 25 et 28 degrés.
Recommandations d'éleveurs de poissons expérimentés pour l'élevage du poisson-globe :
- aération et filtration obligatoires ;
- remplacement quotidien de 1/10 de l'eau de l'aquarium par de l'eau fraîche ;
- séparation des tétraodons d'eau douce et d'eau de mer dans des conteneurs différents ;
- isoler les alevins dans un récipient séparé.
Aliments sains pour adultes :
- vers de vase, vers;
- fruits de mer et friture;
- crustacés à carapace dure;
- vers tubifex;
- Corethra.
Le bœuf haché, le foie et le cœur conviennent également à ces prédateurs. Les tétraodons ne s'intéressent pas aux aliments verts, et les aliments secs sont à proscrire.
Régime alimentaire pour les alevins :
- ciliés;
- daphnie;
- Nauplies d'Artemia;
- Cyclope;
- jaune d'œuf.
Voisins
Plus le poisson-globe est âgé, plus les autres habitants de l'aquarium risquent de le trouver appétissant. Il est donc important de bien réfléchir à la compatibilité de ces grands prédateurs avec les autres poissons. L'idéal est de lui consacrer un aquarium séparé. Si cela n'est pas possible, les cichlidés africains ou du Malawi sont d'excellents compagnons. Il est conseillé de choisir des poissons de taille similaire et d'éviter ceux qui ont de longues nageoires et une longue queue. En effet, les prédateurs adultes risquent de s'attaquer à ces protubérances.
Reproduction en aquarium
À l'âge de 1 à 3 ans, les poissons sont prêts à se reproduire. À cette fin, un couple de tétraodon ou un mâle avec plusieurs femelles sont placés dans un aquarium séparé. La femelle se distingue du mâle par des taches moins vives et une taille plus petite. La reproduction est optimale en présence d'une végétation dense, notamment de Cryptocoryne et de cératophylle.
Durant la période préparatoire, la température de l'eau doit être augmentée et les poissons nourris abondamment de crustacés et de viande. La parade nuptiale est bien visible : le mâle poursuit la femelle avec insistance et la mordille même s'il l'ignore trop longtemps. Si le couple descend au fond, la femelle réagit positivement et ils se regroupent en bancs plus denses. La ponte a lieu en une minute et les œufs flottent parfois librement. Il est préférable de récupérer tous les œufs et de les transférer dans un autre récipient contenant la même eau. Les œufs laiteux doivent être retirés immédiatement ; ils ne sont pas viables.
Au bout de 8 à 9 jours, les alevins apparaissent et doivent être nourris au jaune d'œuf pendant 2 à 3 jours, après quoi ils peuvent être passés à une alimentation normale pour bébés.
Faits intéressants

Malgré des précautions sans précédent lors de la préparation des plats à base de fugu, en moyenne 20 personnes en meurent chaque année.
Le foie de fugu, dont la concentration en poison est la plus élevée, est consommé par les amateurs de sensations fortes les plus téméraires. Le décès le plus médiatisé, dû à une paralysie suite à l'ingestion de foie de fugu, remonte à 1975. Le pays tout entier fut bouleversé par la disparition du « trésor national », le légendaire acteur de kabuki Mitsugorō Bandō.
Deux touristes russes sont décédés après avoir consommé de la soupe de fugu en 2010.
Dans l'Antiquité, il existait une loi non officielle : si une personne mourait dans un restaurant après avoir mangé du fugu, le cuisinier devait également se suicider – seppuku.
Dans de nombreux pays, la pêche et la vente de fugu sont strictement interdites.
L'une des premières descriptions d'intoxication au fugu est due à James Cook, à qui l'on servit ce plat inconnu pour le dîner. Cook et ses compagnons, n'ayant pratiquement pas touché à la chair, survécurent, malgré un engourdissement et une faiblesse importants.
Le monde sous-marin regorge de créatures fascinantes et encore méconnues. Le poisson-globe en est un exemple. Doté d'une apparence, de caractéristiques et d'une personnalité complexes uniques, il semble être l'espèce la moins apte à coexister avec nous.
Cela n'a pas empêché l'homme de consommer, voire d'élever, cette créature marine sans doute la plus venimeuse au monde depuis plus de 2 000 ans. Pour les amateurs de mystère, de beauté surnaturelle et de sensations fortes, ce poisson est un compagnon de choix, que ce soit comme animal de compagnie ou comme mets exotique. Dans les deux cas, il est essentiel de prendre conscience du danger qu'il représente et de prendre toutes les précautions nécessaires.







